À propos

 

Les travaux d’Éric Rumeau interrogent notre perception du temps et son lien avec la photographie. Il invite à des expériences visuelles dans lesquelles des dispositifs photographiques perturbent la temporalité.

Ses recherches portent sur un entre deux, entre images fixes et images en mouvement, un écart infime entre ces deux états, quasi insaisissable mais réel. Cette tension ouvre un espace d’expérience où le temps devient perceptible à la limite du visible.

L’expérimentation, et plus précisément l’expérimental, est au cœur de sa démarche. Il recherche d’autres façons de faire, de dire, qui échappent à l’attendu.
Son travail fait référence au fantastique, cet entre-deux, ce moment où l’esprit hésite encore entre le surnaturel et le naturel, le possible ou l’impossible. Il cherche à créer le doute chez le spectateur, tout en le faisant complice. Il joue de tous les artifices du faux pour faire vrai, pour semer le trouble.

His work questions our perception of time and its link with photography. He invites us to visual experiments in which photographic devices disrupt temporality.

His research proposes variations on the codes of our representation of time and shifts the boundaries of th medium. Experimentation is at the heart of his approach. He looks for other ways of doing things, of saying things, that escapes the expected.

His work refers to the fantastic, that in-between, that moment when the mind still hesitates between the supernatural and the natural, the possible or the impossible. He seeks to create doubt in the spectator, while making him an accomplice. He plays with all the artifices of the false to make it true, to sow confusion. He likes the idea of inviting the viewer to take part in the creative process, to be an actor in the relationship with the work.

 

Vivantes épiphanies de l’inerte

L’exposition particulière dans la salle souterraine de l’ancien réservoir de Guilheméry résulte du lent travail patient de Eric Rumeau.
Le photographe repère, d’abord, de jour des lieux aux abords de forêts. Il les marque d’un signe secret pour de nuit, en faire les sites à venir de ses images. Revenu de nuit, il les photographie à la lueur des phares de sa voiture : elles deviennent, dès lors- o tempore- ces photographies qu’il entoure souvent de caissons rétroéclairés. Il recourt, pour ce faire, à un savant système de leds par lesquels il n’éclaire que les éléments qu’il décide dans le noir intense de ses fonds.

Ce dispositif donne à ces sites de l’inerte – arbre ou tronc d’arbres, pierre du Sidobre, bosquet au bord d’un lac – une lente pulsation régulière, leur eurythmie. Écho à l’injonction de Paul Klee, il ne peint pas le visible, mais le rend visible, il rend vie à ce que nos yeux fatigués croient inertes. La lumière irradie des motifs eux-mêmes, ces objets inertes, en une atmosphère fantastique. Ainsi un bosquet au bord d’un lac se fait-il écho à la végétation de L’île des Morts de Böcklin : trouée bioluminescente dans le noir de la page. Un arbre brûlé lors des feux subis par la montagne d’Alaric est revit : ses extrémités encore marquées par le feu vibrent, réveillant la tendre remontée de la sève au cœur de l’arbre qui, par là, reprend vie et dans la réalité et en photographie. Les battements du cœur du regardeur vibrent au rythme même de l’image dont la prédation propre à la photographie est source de mystère et de fantastique raisonné.

Un film suit le photographe dans cet univers forestier qu’il affectionne, alors qu’il s’enfonce de façon étrange et onirique à la lumière de sa torche. Cette ambiance expliquerait la réaction d’une des visiteuses de l’exposition, ces photographies « la faisaient flipper ».

Du travail d’Éric Rumeau émane, en effet, cette tension entre beauté et inquiétante étrangeté, entre indifférence de l’humain à l’apparemment inerte et la vigueur de la nature, entre la beauté et le terrible.

« Car le beau n’est que le commencement du terrible,
ce que tout juste nous pouvons supporter
et nous l’admirons tant parce qu’il dédaigne
de nous détruire »

Rainer Maria Rilke. Première élégie de Duino – traduction de Lorand Gaspar

Didier Samson – Rencontres Internationales Traverse Vidéo Toulouse – Mars 2024

 

Eric Rumeau accorde une grande place au silence et il est vrai que ces clairs-obscurs laissent muets de sidération. Ils prennent pour prétexte la science-fiction ou plutôt la connivence qui peut exister entre science et art, anticipations scientifiques et imagination des artistes, réel ou fiction.

L’idée est que toute matière cherche à communiquer et donc les pierres comme les autres règnes, lesquelles émettent de la lumière, on ne sait encore pourquoi, mais à considérer tels des signes.

Le photographe part ainsi à l’affût de phénomènes biolumineux qu’il découvre ou recompose dans la nature, qu’elle soit végétale, lacustre ou minérale. On est alors confrontés à la fois au mystère, à la beauté et à l’Eurythmie, que choisit l’artiste comme titre. Sans oublier l’inscription dans une tradition

picturale,celle des Rembrandt, des La Tour, des Caravage…

Avec cette impression que l’humain et le non-humain sont plus liés que supposé, et que tout l’art du photographe est de choisir l’angle idéal, lequel permettra de rendre visible l’invisible, possible l’impossible : en l’occurence la lumière des pierres.”

Bernard Teulon-Nouailles – Critique d’Art (membre AICA) – Auteur L’Art-vues – Août 2023

 

La photographie aux frontières du réel

Éric Rumeau questionne la dimension fictionnelle de la photographie et le rapport qu’elle entretient avec un imaginaire collectif à travers les références du fantastique et de la Science Fiction.

Dans Les Orbes du Temps, film expérimental de fiction réalisé à partir de photographies, Éric « interroge l’aspect cyclique et répétitif de l’histoire des hommes » et use pour cela des codes esthétiques du cinéma d’anticipation. À travers ce qui semble être les vestiges d’une activité humaine révolue, ruines d’une civilisation qui nous semblent familières, le photographe efface les repères, perturbe notre perception, joue aux limites du photographique, pour mettre en exergue les dérives d’une société.

Choisissant de se tenir à la frontière entre utopie et dystopie, il donne à voir ou à percevoir des lieux souvent indéfinissables, non reconnaissables. Les images de la série Refuge de l’ombre, à la croisée du documentaire et de la fiction, nous dévoilent un monde sous-terrain, aux lumières blafardes dans lequel semble s’être organisée une vie de l’après…

Sans recourir à la mise en scène, Éric Rumeau maîtrise sa représentation d’un réel aux contours sombres et aux lumières et luminescences quasi « surnaturelles ». Au seuil de l’abstraction, il nous invite à entrer dans le domaine des sciences du vivant, vu par le prisme de l’anticipation.
Dans sa dernière série, Eurythmie, il joue de tous les artifices du faux inhérent à la photographie, pour faire vrai, pour semer le trouble. Des images de roches luminescentes renversent les paradigmes et nous entraînent aux frontières du réel.

Véronique Glover Forns – Centre Culturel Bellegarde – Ville de Toulouse – Juin 2022

 

A l’intérieur ouvre une autre lecture que celle du lieu où se tenir, d’autant qu’il ne connaît pas de différenciation spatiale puisque ce qui a/n’a pas lieu vogue du dedans au dehors… L’incipit joue de cette duplicité ; en profondeur du champ d’une rue de nuit, en pente bordée de maisons volets fermés, les phares d’une voiture semblerait débuter une histoire or le plan se duplique avec une sorte de grande toile d’araignée sans ses fils, un halo prenant l’espace. Le pacte de lecture est lancé, ce qui a lieu est d’essence iconique et non preuve d’un réel.

Pas d’explication, ni de suite narrative, des échos d’ambiance, de non attestation. Parfois un zoom fait mine d’approcher ce qui se délite cependant en un fondu au noir. Ces noirs qui assemblent tout en séparant les diverses images. L’entre-image fraie sa nécessité et paradoxalement puisque photographique, rappelle la discontinuité première de la prise filmique que la projection occulte. (extrait)

Simone Dompeyre – Directrice artistique Rencontres Internationales Traverse Vidéo Toulouse – Mars 2020

 

Eric Rumeau a exploré une ancienne mine de sel et nous fait partager son ressenti, intrigué par cet espace fantasmatique très fréquenté. Les couches de sel semblent fusionner leurs veinages avec la lumière marmoréenne tandis que des familles s’occupent à respirer un air chargé de vapeurs thérapeutiques. Le spectateur n’est pas invité à comprendre dans quelle dimension s’est engagé le photographe mais le mode d’accrochage suggère qu’il s’égare dans une rêverie. Toute l’ambiguïté (savoureuse) de la photographie est posée, dès lors qu’elle n’est pas ancrée à des explications.

Xavier Ribot- CACP Villa Pérochon – Festival Vendanges Photographiques – Septembre 2019

 

Dans les photographies d’Eric Rumeau, tout est affaire d’équilibre. Equilibre entre abstraction et figuration, nuit et lumière. Que ce soit une matière, un objet ou des personnes, les situations captées sont installées dans un hors-temps indéfinissable qui efface les identités et les lieux. Pas de point de repère pour ancrer le regard, mais une profondeur paisible et engageante, quoique aussi incertaine qu’un rêve.

Colette Le Chevalier – Parcours des Arts Sud et Espagne – Numéro 58- Avril mai juin 2019

 

Eric Rumeau transforme le réel sans pour autant le mettre en scène, et donne ainsi naissance à un monde fictionnel d’une profondeur envoûtante. La Maison des Arts expose deux de ses séries photographiques. “Les yeux fermés” détourne la matière à l’image des rêves, grâce à l’utilisation de couleurs saturées qui se trouvent contrastées par une intense obscurité. “Refuge de l’ombre” dresse le portrait d’une ancienne mine de sel qui se transforme en un refuge, brouillant nos repères et déstabilisant notre perception du réel.

L’art Vue – Numéro Avril mai 2019

 

Pour continuer notre promenade vers la remise en question de la lecture de l’image, Eric Rumeau propose de nous entrainer dans sa descente aux enfers avec « Refuge de l’ombre », qui est en fait une promenade de santé pour les personnes profitant des bienfaits de l’air confiné dans l’ancienne mine de sel.
Epoustouflant brouillage de repère dans notre perception émotive d’une photographie quasi documentaire que l’auteur déchire avec quelques mots en nous faisant partager l’expérience de sa propre déstabilisation.

Peggy Allaire – 9lives magazine- 7ème édition l’Emoi Photographique – Mars 2019